Voici une étude de cas qui me paraît intéressante. Xavier JEKL est créateur de foulard. Il vient de créer sa marque. Il est intervenu dans le lycée où j’enseigne les métiers de la mode sous l’impulsion du chef d’établissement. C’est l’occasion pour moi de vous en faire part tout naturellement car son exposé fût riche d’informations.
-
Il a commencé par exposer son parcours.
- A 18 ans, il entre à la Chambre Syndicale de la Couture Parisienne que j’ai déjà citée dans l’article « Comment travailler chez Louis Vuitton ? ». Et pourtant, dit-il, il n’avait pas vraiment conscience de sa chance à l’époque et n’était pas un élève très sérieux.
- En 1988, il est arrivé sur le marché du travail au moment où il y avait beaucoup de stylistes et pas assez d’illustrateurs de mode. Il est entré comme tel pour « Le Journal du textile ». Il y rédigeait notamment des comptes-rendus sur les défilés . Avec sa carte de presse, ce premier job lui a permis de se faire un réseau dans le milieu de la mode (réseau dont je parle dans l’article » Comment travailler dans la mode: la force du réseau et du book ». )
Il devient ensuite ce qu’on appellerait aujourd’hui plutôt un Designer textile chez BALMAIN. Il était chargé de créer des foulards et des accessoires pour la maison de couture. Il fallait être rentable. Il fallait penser une idée commerciale. Pour chaque dessin de foulard, la maison Balmain déposait une licence en vue de protéger ses créations.
- De 1992 à 1997, après une période d’inactivité due à la crise, il entre en tant que stagiaire chez Nina Ricci à l’atelier des foulards où il finit par se faire employer.
- Depuis 2010, il explique qu’il est très compliqué d’être un petit créateur. On se fait tout de suite avaler par les grandes chaînes tels que Uniqlo, Zara, Mango etc…Les créateurs se font copier et n’ont pas les moyens de se protéger, ni d’attenter un procès trop coûteux pour se défendre.
-
Comment imprimait-on les foulards chez BALMAIN ?
Les foulards étaient souvent imprimés à Lyon car en Asie, il n’y avait pas de jaune à l’époque.
Xavier JEKL nous explique le procédé d’impression en sérigraphie utilisée pour les foulards Balmain. On utilisait 8 à 10 couleurs avec une impression en sérigraphie.
Il prend l’exemple pour imprimer une fleur.
- Au 1er passage, on imprime les pistils de la fleur avec seulement la couleur jaune
- Au 2ème passage, on imprime le rouge des pétales
- Au 3ème passage, on imprime le vert des feuilles et de la tige
- Au 4ème passage, on commence la couleur du fond etc….
Ainsi donc, 8 à 10 passages sont nécessaires. Chez Hermès, il peut y avoir 32 passages, ce qui coûte très cher, d’où les prix de luxe pratiqués.
-
Comment créer et protéger sa marque ?
Après la présentation de son beau parcours Xavier JEKL explique qu’il a créé sa marque de mode spécialisée dans la création de foulard bien sûr.
Selon lui, le plus difficile et le plus coûteux est finalement de bien la protéger.
Il a d’abord créé son logo qui est repris dans toutes ses impressions de foulards et l’explique.
Le rond se rapproche de la spiritualité. On ne sait pas où on commence.
Il adoucit le carré qui lui représente le matériel.
Les logos les plus vendeurs sont souvent ceux qui sont carrés. Une célèbre toile siglée comme Burberry est faite de carreaux.
Pour protéger sa marque, il faut donc :
- Déposer le sigle pour droit d’auteur
- Les lettres du logo déclinées en motifs.
-
Combien coûte la confection d’un foulard et sa protection ?
Xavier JEKL utilise l’impression numérique laser. Elle a deux avantages : elle est moins chère et présente une infinité de couleurs.
Les bords de ses foulards sont roulottés à la main comme tous les foulards de luxe qui se respectent (ex: Hermès).
Peu de personnes sont formées au roulotté aujourd’hui, donc trouver quelqu’un de compétent et pas trop onéreux relève du challenge. Il faut compter environ 5 euros le mètre. Sachant qu’un foulard mesure 1,20 m par côté. Cela revient donc à 4 côtés x 1,20 m x 5 euros ce qui donne déjà 24 euros.
Pour la confection seule du foulard, c’est-à-dire la matière + l’impression+ le roulotté, il faut compter 100 euros.
Ce à quoi il faut rajouter le coût de la protection :
- Les marques qui sont fabriquées dans le sentier doivent débourser environ 200 euros.
- Pour une marque internationale, il faut compter 1 million d’euros.
- Pour protéger sa marque en Europe il faut compter entre 2000 et 6000 euros en tout.
- Il faut déposer le logo à l’INPI en France. On peut déposer soit un nom, soit un motif, d’où l’intérêt de déposer un logo comportant les lettres du nom de la marque comme le monogramme de Louis Vuitton.
- JEKL ne compte pas les 6 mois qu’il a fallu pour créer son logo et pourtant cela représente bien du temps travaillé.
Tout dépend du rayonnement que vous souhaitez donner à votre marque et de votre investissement de départ.
-
Pourquoi créer son parfum est moins cher que de créer des foulards !
Donc créer sa marque coûte de l’argent mais bonne nouvelle, je suis allée au musée de la contrefaçon dernièrement à Paris. Les conférenciers y forment notamment les douaniers. Le conférencier m’a indiqué que pour créer son parfum, aucun grand parfumeur ne dépose son brevet.
Pourquoi ?
La simple bonne raison est que le brevet tombe dans le domaine publique au bout de 25 ans et la formule devient publique !
Alors pour conserver la recette secrète, aucune grande maison ne dépose de brevet. Ainsi, la recette reste secrète. Ainsi cela revient sans doute à moins chère de protéger un parfum que de créer des foulards.
Il est vrai que tout ceci représente de l’argent mais à partir du moment où votre marque prend de l’ampleur, je pense que vous n’avez pas d’autres solutions.
Par expérience, aussi petite créatrice que je suis, je me suis faite volée par deux fois (si, si) :
- la première fois, il s’agissait d’un pull avec une impression de plumes tiré d’un de mes croquis que j’avais balancé sur mon book. N’ayant aucun recours, je me suis contentée d’acheter le pull et de le porter . En réalité, je me sentais flattée d’avoir été copiée. Cela n’impactait pas sur le reste de ma vie professionnelle.
– la deuxième fois, il s’agissait carrément d’un projet entier dont j’ai été évincée alors même que j’en étais l’auteur pour la ville de Cabourg, il y a quelques années. Cela, je ne l’ai toujours pas digéré car il représentait des heures de travail. Donc MEFIANCE !
Et vous, avez-vous déjà rencontré des problèmes de droits d’auteurs ou de copiage ?. Partagez votre commentaire ci-dessous.
Lien du Site de Foulards JEKL : http://www.xavierjekl.fr/
Lien du site de l’INPI : https://www.inpi.fr/fr
Cliquer sur le lien si vous voulez savoir « Comment travailler chez Louis Vuitton ? »
Cliquez ici si vous voulez savoir » Comment travailler dans la mode: la force du réseau et du book ».