• Point I : Comprendre l’esprit Vuitton.

 

               J’attends tranquillement mon rendez-vous prévu à 14h00 rue du Pont Neuf chez l’une des plus grandes maisons au monde de maroquinerie et vêtements pour ne pas citer Louis Vuitton.

 En tant qu’enseignante en Bac Pro Métiers de la Mode, je me dois de rendre visite aux élèves qui partent en stage en entreprise. Il se trouve qu’une de mes élèves effectue son stage dans cette grande maison. Le créateur du moment est Nicolas Chéquière dont la première dame, Madame Macron, s’est entichée de ses robes, tailleurs et manteaux.

 Il me reste du temps avant mon rendez-vous et je me souviens alors de ma première initiation à l’esprit  LV.  Je me rappelle alors la première fois que j’ai découvert la qualité du travail Vuitton avec tolérance zéro sur les défauts. D’ailleurs tout produit présentant un défaut est détruit. En effet, il y a quelques années, j’avais eu la chance un jour de passer des vacances chez le responsable de la boutique à Monaco . Il m’offrit un sac Louis Vuitton. Ses avantages de responsable faisait qu’il pouvait acquérir des produits de la boutique à 10% du prix. Le sac avait dû lui revenir à 200 euros au lieu de 2000 ! Ce sac  “Voyage de nuit” avait été boudé par la clientèle à cause de l’absence du monogramme. Pourtant, c’est ce qui me plaisait le plus dans ce sac, conçu en toile (non enduite) et en cuir.  C’était un descendant de ce qui se faisait aux premières heures des ateliers. Il était inspiré des sacs de linge destinés à la laverie sur les paquebots de luxe. Son fond en cuir épais et travaillé était cloué de rivets dorés. Chaque rivet était estampillé aux lettres de la maison. Je découvrais alors avec mon cadeau qu’un cadenas venait assurer le contenu de ce sac. Des pressions permettaient de déplier le cuir auquel était accroché la toile du bas pour donner plus de contenance au sac. J’étais épatée par les finitions et comprenais alors les heures de travail et des différents corps de métiers pour façonner ce merveilleux objet. Les sacs que j’avais touchés auparavant étaient de vulgaires contrefaçons. Je vis tout de suite la différence et la justification du prix exorbitant de notre cher savoir-faire français unique et inégalable. Mon ami m’avait invité à passer dans sa boutique quelques temps après le passage de la « sublimissime » Dita Von Teese, célèbre strip-teaseuse ! Je me sentais fière d’être traitée comme une VIP dans les pas de Dita et bien d’autres.

Le créateur était à ce moment là : Marc Jacobs. J’adorais son savant mélange de tradition et de « branchitude » rock qui brisait le classicisme de la marque.Il a fallu que je rencontre cet ami travaillant dans ce milieu pour que je me sente autorisée à franchir le seuil du temple situé avenue des champs Elysées pour la première fois à plus de 34 ans. Je fus fascinée par l’organisation architecturale et humaine à l’intérieur de l’immeuble.  D’ailleurs, les vendeurs y foisonnent encore et continuent à y faire tout un cérémonial en anglais avec leurs clients pour une grande majorité des touristes étrangers. Je me souviens d’une vitrine dans les étages qui présentait des maquettes miniatures de malles anciennes dont une recelait un lit de camp et une autre un bureau ! Pièces que je revis plus tard à l’exposition LV où cette fois je vis la réplique exacte en grandeur nature. Tout y était ingénieux.

 

(Catalogue Vuitton: malle-lit 1892. source Wiki)
(Catalogue Vuitton: malle-lit 1892. source Wiki)

J’ai habité la région Deauvillaise jonchée de boutiques de luxe mais jamais je n’avais osé entrer dans un de ces magasins.

En effet, lorsque j’étais au lycée, je passais devant ces vitrines sans y prêter attention. Je pensais que ce monde n’était pas fait pour moi.  Je ne pensais pas un jour approcher ce monde de luxe par le biais d’un ami et plus tard par le biais de l’artisanat.  Aujourd’hui je me délecte de découvrir les coulisses de ce MONUMENT !

J’attends donc ce rendez-vous comme si je devais patienter avant d’ouvrir une pochette surprise. “I’m so exciting ! “. Je me pose des tas de questions :

· Comment l’atelier est-il organisé  ?

· Quelles machines vais-je y trouver ?

· Quelles formations ont suivi les employés ?

· Combien d’employés ?

· Les odeurs ? Les bruits ?

· Comment recrutent-ils ?

· Oserai-je demander un stage dans cette prestigieuse maison élitiste ?

Je dois me refaire une beauté, être tirée à quatre épingles.…J’ai encore du temps.

En attendant, je me souviens de la sublime exposition sur l’épopée LV au Grand Palais qui avait eu lieu en 2016 avec pour titre : “Volez, voguez, voyagez

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Extrait affiche de l’exposition.

A l’entrée, des hôtesses nous accueillaient en nous offrant l’affiche de l’exposition.

L’exposition elle-même commençait par une petite pièce dans laquelle était exposée une ravissante malle miniaturisée que pouvait offrir un hôtel à ses plus prestigieux clients.

Nous rentrions ensuite dans une large pièce où là, nous tombions nez à nez devant un immense échafaudage de malles toutes aussi magnifiques les unes que les autres, bien gardées par des vigiles à chaque coin de la salle.

L’exposition se poursuivait sur le thème du voyage : voyage en voiture et ses malles coffre ou ses sacs pour croisière. Un wagon de l’Orient Express y avait été reconstitué avec les bruitages…

Point II: Connaître l’organisation de l’atelier prêt-à-porter femme ?

Après une visite dans les ateliers de prêt-à-porter féminin, je peux révéler le secret du recrutement de LV.

J’arrive tranquillement pour mon rendez-vous prévu à 14h00. L’entrée est sobre offrant à voir l’enseigne simplement gravé dans la pierre.

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Je me présente à l’accueil où l’on me remet un badge avec mon nom et celui de la personne avec qui j’ai rendez-vous.

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Je me sens privilégiée !

On me fait patienter dans un somptueux salon où une photo de la fondation Vuitton suspendue dans un désert jonche tout un pan de mur du bâtiment. Le dernier défilé est projeté sur des écrans incrustés dans le mur à gauche du confortable et non moins luxueux canapé en cuir (what else !) dans lequel je m’enfonce.

J’attends à peine 5 minutes (oh non déjà pas eu le temps de voir tout le Show), l’hôtesse me fait signe de prendre le portillon avec mon badge et de monter dans les ateliers. Dans la salle des ascenseurs, tout y est capitonné dans des tons de cuirs couleur “isabelle” (comme la robe du cheval).  Je monte au troisième, ou non au deuxième, trop nerveuse pour me rappeler. Je sors de l’ascenseur où se tiennent avec moi deux hommes d’affaires étrangers munis de leur valise.

Je sors et arrive dans un vestibule où là encore un canapé de luxe m’accueille avec un écran qui projette le défilé (chic je peux voir la fin !). Je check une dernière fois ma tenue : un pull Petit bateau de la collection capsule signée Castelbajac et un pantalon bleu marine de chez Saint James me donne un air « parigomarin » ou « marinéoparisien« .  Devant le défilé de pingouins chez LV (j’entends costard et cravate noirs, chemise blanche), je me félicite d’avoir su adopter cette tenue chic et décontractée qui me démarque tout en restant smart !

Les deux portes vitrées coulissantes s’ouvrent et je vois apparaître l’assistante chef d’atelier avec laquelle j’ai rendez-vous. Une jeune femme radieuse, chemise blanche, pantalon noir mais à la coupe branchée. Elle est coiffée d’un carré rock projeté savamment en arrière. Nous nous présentons et elle me conduit vers une sorte de salle de réunion laissant entrevoir la construction interne du bâtiment jusqu’alors masqué par la modernité. La pierre de taille apparaît à travers une rampe de la salle en terrasse.  En réalité, je suis surprise par le comité d’accueil qui est de trois personnes. Je suis très bien accueillie et avec grande classe : on me met à l’aise de manière naturelle et on me fait sentir que je suis importante sans ostentation; c’est ça le vrai luxe ! Ce luxe qui s’appelle “éducation”, je l’adore. Les sourires de ces trois personnes sont sincères. C’est très agréable car j’ai le sentiment qu’elles pourraient être mes collègues ! Une modéliste est donc présente avec une apprentie en fin d’études. J’apprends que cette étudiante passe un CAP en trois ans à la Chambre Syndicale de la Couture Parisienne. Elle termine donc son stage de troisième année. Je reviendrai sur son parcours. Pour le moment, je ne vois pas mon élève.

Nous passons à l’évaluation. Elles sont satisfaites de cette élève. J’en suis ravie. C’est l’apprentie qui, chapeautée par la modéliste, m’indique les croix que je coche dans la grille.

Elles sont professionnelles mais joyeuses. J’adore ! 🙂

Mais je ne vois toujours pas mon élève, ni l’atelier.

Enfin, l’entretien est terminé et l’assistante chef d’atelier me propose de venir voir mon élève. Elle ouvre la grande porte coulissante et m’y voilà ! Enfin !

Je rentre dans un long couloir qui dessert une suite de salles toutes fermées par des portes vitrées. A ma droite, j’aperçois une réserve de tissus tous aussi beaux les uns que les autres.

J’avance vers la grande salle des modélistes et là, tout y est lumineux et transparent ! Blanc de blanc ! En contraste avec les salles des ascenseurs et des sas capitonnés marron. La lumière traverse de grandes vitres au fond de la salle et inonde l’atelier.

Les murs, les  grandes tables de coupe et de travail, les mannequins, les toiles des manteaux de la future collection, les épingles argentées disposées parfaitement régulièrement sur les toiles de manteaux.

Les modélistes travaillent tantôt par moulage, tantôt par conception assistée par ordinateur. L’atelier est organisé par îlots où on y trouve une table de travail large, des mannequins et des ordinateurs.

Tous les employés restent concentrés sur leur travail pendant que je suis ma guide.  Je les salue tout de même et ils me répondent sans problème pour se recentrer aussitôt sur leur tâche. L’espace est circulaire. Nous tournons pour arriver dans une deuxième salle où travaillent les mécaniciens modèle (hommes et femmes). Dans une plus petite salle, j’aperçois un traceur de patronnages sur système Lectra.

Et enfin, je rencontre mon élève qui effectue un travail minutieux : elle réalise des queues de rat roulottées si fines que je me demande si je saurais en faire autant.

Elle me montre une jolie robe qu’elle a exécutée, de son patronnage jusqu’à sa réalisation. Du travail bien fait. Elle a appris à monter une fermeture à glissière invisible. Je suis bien fière de mon élève.

Je peux rencontrer son papa qui (et oui ) est mécanicien modèle. Donc voilà, son stage, cette élève l’a obtenu par « piston« .

Une fois ma visite terminée, je finis de traverser les ateliers et le dernier couloir desservant d’autres petites réserves comme la réserve à fils rangés par couleur et d’autres petits bureaux. Ainsi j’ai effectué un circuit pour revenir dans le salon d’attente où je retrouve les ascenseurs.

Point III :  Se faire embaucher dans les ateliers Vuitton ?

Bon mais voilà, vous vous demandez toujours comment Louis Vuitton recrute ?  L’assistante chef d’atelier me dévoile qu’elle a une formation de designer.

Mais surtout je lui pose la question : elle me répond que la Chambre syndicale de la couture Parisienne a un partenariat avec le groupe LVMH dont fait partie LV. L’apprentie passe un CAP Vêtement Flou en alternance. Elle m’explique qu’à la Chambre Syndicale, on lui a fait passé des tests notamment de repérage 3 D, 2 D dans l’espace et en fonction de son profil : elle a été placée chez Vuitton. Ça c’est pour le stage mais ensuite ?

Ils embauchent essentiellement par le biais de la chambre syndicale ! Voilà le secret !  Mais attention, peu d’élu ! Il est vrai que de la chambre syndicale sont sortis de très grands couturiers comme Franck Sorbier, Jean-Paul Gaultier

Donc en conclusion, soit vous avez le « piston », soit vous achetez le carnet d’adresse en vous inscrivant à l’école privée de la chambre syndicale !

Alors, même si la maison n’est pas fermée aux nouveaux talents, il faut montrer de l’excellence pour y entrer.

Que pensez-vous de cette conclusion ? Vous y attendiez-vous ?  N’hésitez pas à me dire ce que vous en pensez et venir en débattre avec moi en me laissant un commentaire ci-dessous.

Bonne Chance !

Signé Carré